Quand on connaît Lancelot Cannissié en vrai talent de la trouille et du frisson, c'est une expérience particulière de le découvrir poète, et dès les premières strophes, on mesure comme la plume de l'auteur est multi-facettes. Contrairement à certains recueils qui persistent à ranger les textes dans des parties thématiques, Lancelot prend la liberté de tisser ses poèmes autour d'une promenade. Balade de couleurs, balade d'émotions, balade de thèmes et d'idées, balade qui se permet parfois d'aller vers la lumière et la joie, et qui se détourne du chemin balisé de temps en temps pour descendre dans des terrains plus noirs, plus lourds. En ce sens, Lancelot est fidèle à lui-même, il insuffle un peu de son talent de compteur d'histoires à se raconter autour du feu ici et là, et traite parfois les textes avec la précision d'une nouvelle (un début rapide et une chute notable). C'est donc, à mon sens, 75% de poèmes et 25% d'une forme hybride géniale a mi-chemin entre nouvelle et poésie. De façon générale, le choix de l'auteur de ne pas rester dans une structure carrée et monochrome est très porteur, et permet une vraie circulation des émotions et des thèmes proposés. Lancelot ayant le courage de creuser dans la thématique du spleen si chère aux poètes, il a aussi l'intelligence de rééquilibrer ces textes sombres et profonds (Tempête Marine, Hurlements Nocturnes, Mon Cauchemar...) par des moments plus doux et délicats, générant de ce fait un véritable équilibre. Ainsi, la sensation de vol tantôt calme et tantôt secoué de turbulences est parfaite. C'est un voyage un peu magique. Si le titre laisse envisager un seul détour par les saisons, ce sont en fait les saisons de l'âme, du coeur, des émotions humaines, ainsi que de sa condition qui sont ici explorées. Lancelot est un contemplatif, il capture les détails du monde autour de lui et s'en sert comme de piste de décollage pour examiner la vie et visiter son propre subconscient. Un vrai travail a été fourni par l'auteur pour pousser plus loin encore la recherche de synonymes, de rimes, et de rythme. Certains poèmes brillent par leur mélodie indicible (Le Parfum, Aux Mille Saisons, Le Bonheur...) et par la troublante facilité avec laquelle on se laisse séduire, charmer, envoûter. Ici et là, certaines expressions un peu plus communes, voire même des esquisses d'argot engendrent une petite cassure dans le côté très lisse et très stylisé de la poésie. Lancelot ose avec brio le coup de pied audacieux, et ça marche. Une autre belle force de cet ouvrage qui sent bon l'humus, la pluie sur les fougères, le feu qui crépite dans une cheminée et la douceur des chocolats chauds, est l'utilisation de tous les sens pour plonger le lecteur dans un monde entièrement construit. Lancelot évoque les odeurs, les goûts, le toucher, les bruits, en plus de la vue, et presque un sixième sens inqualifiable mais bien perceptible. On a presque l'impression que l'auteur nous invite à feuilleter un album photo. Parfois, on s'approche du territoire intime quand Lancelot confie ses rêves d'amour et de paix, et ses failles personnelles. Difficile de ne pas être chamboulée par ces moments intenses et purs. Il subsiste cependant quelques petites coquilles, et il arrive que la forme manque un petit peu de régularité, certaines rimes arrivant un peu trop tôt ou trop tard, mais ce ne sont que des égratignures sur un ensemble vraiment bouleversant dans son sens le plus littéral. Voici une véritable invitation à s'écouter tout en égrainant les saisons, et à laisser la nature nous conter ses lignes parallèles et perpendiculaires à nos existences pressées. Prenez le temps, et écoutez les murmures du vent entre deux textes. Suivez le guide Lancelot, il sait où aller.