Bouleversant, juste et divinement écrit.
Dans l'océan de livres et d'histoire qui existent aujourd'hui, les bons moments sont de plus en plus faciles à trouver en tant que lecteur, cependant, les véritables expériences qui restent sur le cœur longtemps après le mot "fin" sont assez rares pour être précieuses. Change Rien fait partie de ceux-là. Un récit d'une telle force qu'il entraîne avec lui une déferlante d'émotions et de considérations sur la nature humaine, celle de la société, et où nous avons manqué d'attention et laissé la haine passer au travers de ses failles.
Maxime est professeur dans un milieu défavorisé, et essaie de compenser les errances de l'éducation nationale par la créativité pour inspirer ses élèves à sortir du destin que la société leur a réservé. Quand un évènement dramatique fait de lui un héros loué par les médias, il rencontre Sebastien, avec qui l'amour ne tarde pas à s'installer. Les deux partenaires se connaissent-ils tant que cela ? La vie va venir rappeler à Maxime que les faux semblants se cachent souvent au creux même des gens qu'on aime le plus, et vont le pousser à dépasser ses propres limites pour les percer à jour. Mais dans un monde qui peine encore à comprendre que l'amour n'est jamais une honte, le chemin sera d'une dureté sans nom.
Dès les premières pages, il est plus qu'évident que la construction du roman est originale et efficace. Basée sur une double temporalité, celle du présent et celle d'un passé proche, elles se croisent et se répondent dans un effet de miroir parfait. On ne s'y perd jamais, même si son exploitation gomme parfois les lignes entre les deux. Erwan Ripoll maîtrise tellement sa narration qu'on est dans une navigation aisée.
Il ne faut que quelques pages pour comprendre qui est Maxime, le protagoniste, et saisir son engagement pour la jeunesse-et surtout la jeunesse pour qui les chances sont moins nombreuses que le reste du pays-qui dépasse les limites ténues de l'éducation nationale sans pour autant tomber dans le cliché du prof parfait et sans failles. Maxime s'engage avec réalisme, et avec une volonté de montrer aux élèves qu'ils valent plus que ce qu'on leur dit. Très vite, la vie de ces personnages devient importante, et on est plongé a 120% dans le récit.
Quand Maxime se retrouve confronté à la violence presque banale, et doit sortir de son rôle d'enseignant pour embrasser celui de presque héros, c'est assez subtil pour, une fois encore, rester parfaitement crédible, et la façon dont il utilise l'attention des médias pour la rediriger vers les enfants et les besoins qui sont ignorés par le gouvernement de l'époque est à la fois louable et frustrante, renvoyant en écho les combats des professeurs aujourd'hui. Ce n'était probablement pas l'intention première de l'auteur, mais cela tisse un fil rouge dans le récit : sommes-nous vraiment en train d'évoluer en tant que société, ou bien devenons-nous de moins en moins capables de se battre pour plus d'inclusion ?
Difficile de mentionner toutes les merveilles de ce roman sans le spoiler, mais l'homosexualité a rarement été abordée avec autant de délicatesse et de beauté. En s'éloignant d'un traitement militant pour normaliser et magnifier les relations amoureuses de même sexe, Erwan Ripoll signe une romance époustouflante, juste et belle, et qui élève le lecteur vers les sommets des grandes histoires d'amour. On vibre, on palpite, on s'envole avec ces deux personnages merveilleux.
Si Erwan en était resté là, à savoir la première partie d'un roman qui en compte trois, la seule histoire de Maxime et Sebastien aurait suffit à en faire un moment de lecture parfait.
Mais ce serait sous-estimer l'immense pouvoir des deux parties suivantes, qui vont briser le cœur du lecteur, le recoller, et l'envoyer valser à nouveau dans une succession habile et calibrée de rebondissements parfaitement ancrés dans l'histoire, et qui vont faire passer le lecteur par un arc-en-ciel complet de sentiments et de réflexions.
Tout dans ce roman est sans aucun doute le fruit d'un travail poussé, précis, équilibré et subtil, et quand on arrive au bout du roman, il y a comme un flottement, le temps que les larmes sèchent et que tous les personnages retournent entre les pages. C'est un don rare pour un écrivain : celui de créer des protagonistes si forts, si troublants de réalisme, qu'ils ont l'air parfaitement réels et qu'on a du mal à les laisser partir.
Une fois encore, dans un refus de spoiler les surprises et la joie, mais aussi la colère et la tristesse du roman, je ne peux pas me lancer dans une analyse poussée de l'extraordinaire seconde partie, que la dernière parvient tout de même à surpasser. Les thèmes qui y sont examinés le sont avec une intelligence émotionnelle hors du commun, et tout est d'une authenticité folle. Erwan parvient à traiter de thèmes profonds, voire très durs, avec une délicatesse hors du commun.
Vous ne sortirez pas indemne de cette lecture, de la meilleure façon possible.
Ce roman est urgemment à mettre entre toutes les mains, ne fut-ce que pour partager cette histoire bouleversante, et, avec un peu de chance, provoquer une conversation qui saura s'éloigner des lieux communs et de la haine facile pour arriver à réanimer l'humanité endormie en nous.
⭐ Les notes en détail
Tous ces personnages sont comme des pierres précieuses : ils ont tous une couleur propre, ils sont facettés et polis jusqu'à être brillants, et ils ont tous une force et une identité qui leur est propre. En tant que lectrice, c'est un bonheur de découvrir des protagonistes aussi construits et justes.
Grâce à la double ligne narrative, on rentre dans le roman tout de suite, et on se surprend à vouloir protéger le personnage principal dès le début, grâce à la façon subtile et nuancée dont l'auteur insuffle un vent d'engagement et de refus de laisser les injustices de la vie emporter la partie. C'est réaliste, poignant, dévastateur, implacable même, mais on perçoit très bien le cœur du personnage principal qui nous sert de refuge.
Le style d'Erwan est simplement idéal. Ni trop facile, ni tarabiscornu, ni noyé dans les émotions...C'est une alchimie parfaite entre toutes les qualités principales (fluidité, dynamisme, champs lexicaux riches, absence de répétitions, dialogues clairs...) qui font une plume efficace, mais qui parvient tout de même à trouver une signature propre. Un bonheur à lire.
La double ligne narrative principale qui se déroule dans le présent et dans le passé jusqu'à se rejoindre est très bien construite, on ne se perd jamais, tout est à la fois clair et précis, riche et puissant, et l'auteur a fait un travail évident pour que toutes les histoires dans l'histoire connaissent une résolution.
Grâce aux choix narratifs de l'auteur, on plonge dans le roman tête la première et on se fait complètement happer par la justesse des propos et le style fluide et puissant. Et une fois le plongeon fait...Bonne chance pour arrêter la lecture en cours de route ! C'est un de ces romans qui se lisent d'une traite, sans jamais que ni la tension, ni les émotions ne retombent.
Le choix de l'auteur de placer son roman sur deux timeline et de les faire se croiser est ambitieux mais fonctionne si bien. On nous laisse le temps de nous poser des questions, et elles vont toutes trouver réponse. Tout est extrêmement bien construit, de A à Z.
Lecture incroyable. Le roman est extrêmement bien construit et fantastique d'efficacité, les émotions circulent avec fluidité grâce à cette fabuleuse plume, et on se surprend à ressentir tour à tout colère, tristesse, espoir et désespoir. La construction sous forme de presque-thriller qui laisse une part de mystère est optimale. Impossible prendre la moindre pause, le roman se lit d'une traite.
Publié le 19 décembre 2023