Le premier tome des aventures de Charline avait su me séduire, malgré quelques petits défauts minimes qui ne gâchaient pas vraiment la lecture. Celine Herry proposait alors un genre hybride frais, loin des cases toutes faites de la littérature qui pratique le voyage intérieur. Ce second tome garde toutes ses forces mais brille par une ligne narrative plus claire, par des audaces dans la forme de la part de l'autrice (poésie, lettre quasiment ouverte...), et par une façon très affutée de transformer la lecture seule en un véritable voyage sensoriel. Charline sait titiller nos sens quand elle papillonne sur les marchés ou les brocantes, et elle entraîne dans son sillage ces éclats de réflection et de philosophie qui font la richesse de ces récits. L'ambiance de ce second tome est presque l'histoire de "Charline l'arbre fruitier". Elle traverse les saisons, elle grandit grâce aux vents et aux intempéries, elle fait parfois face aux coups durs, elle se courbe, prend le soleil et la neige, elle peut faner mais finit toujours par fleurir à nouveau. Charline est curieuse, résiliente, elle s'épanouit, et elle atteint des découvertes personnelles qui, une fois encore, pourraient fricoter du côté de la morale ou de la leçon, mais jamais la ligne rouge n'est franchie. Charline est un guide volontaire, elle offre des idées, des pistes, mais elle ne juge pas, pas même elle-même. Le côté hybride du récit prend ici toute sa hauteur. Chaque chapitre est rond, riche, comme une promenade, le style est fluide et entraînant, et l'ambiance est presque envoûtante. Charline s'empare des petites choses du quotidien, et en fait des axes de méditation moderne, des ponts pour prendre le temps de vivre et surtout, vivre mieux. Le chapitre final est particulièrement audacieux. Charline décide d'écrire au président, sans jamais mentionner quel président, ni laisser une polémique politique s'installer. Cela pourrait être celui d'il y a dix ans, celui d'aujourd'hui, celui de dans vingt ans. Ce courrier ouvert est fort, Charline y appuie là où ça fait mal sans jamais tomber dans des extrêmes, en prenant simplement les choses à bras le corps-et à bras le coeur. C'est très bien vu de la part de l'autrice. Au final, on garde de ce deuxième tome un petit goût sucré et plein de jolies tournures, et puis l'impression qu'il faut mettre Charline entre toutes les mains. Quand on se sent sur le point d'imploser, hop, deux chapitres et au lit, à renouveler toutes les six heures jusqu'à calme total revenu. En fait, Charline, elle devrait être remboursée par la sécurité sociale.