Brillant, profond et très noir.
Rares sont les romans qui ont la capacité de capter un lecteur en quelques mots, moins d'une page même. C'est le cas avec Le Cerf Aux Bois Ensanglantés, un thriller puissant, rare, terrifiant et implacable, qui ne peut probablement pas être mis entre toutes les mains de par la noirceur de ses thèmes et la violence de certaines scènes. Cependant, amateurs du genre, ne passez absolument pas à côté de ce roman hors du commun.
Clément a disparu.
Eric ne l'aime pas. Eric n'aime personne. Mais, accusé d'avoir quelque chose à faire avec le sort incertain du jeune homme, Eric commence à mener sa propre enquête, à gratter le vernis, et à commencer à y trouver un fond nettement moins reluisant.
A force de chercher, Eric commence à prendre de gros risques, et le but de sa quête est de moins en moins clair.
Où donc est passé Monsieur Parfait ?
Voici un roman...Qui est unique par tellement de prismes. Par son histoire, par son parti pris, par sa force, par son courage, par sa volonté d'explorer des thèmes noirs, mais aussi par cette impression sidérante qu'une fois commencé, on est directement plongé dans une ambiance qui happe le lecteur, lui prend la main, et refuse de la relâcher. L'importance de l'incipit dans un roman ne peut être surestimée, et ici, il est d'une efficacité folle. La ligne narrative principale est énoncée clairement, et ses ramifications commencent dès le premier chapitre à dessiner les connexions entre les faits, les personnages, leur passé, et, d'une certaine façon, leur futur aussi.
Le style de l'autrice est incroyablement fluide. Pas de tournures de phrases complexes comme un ornement, ni de volonté de créer un tableau impossible à comprendre sans une analyse profonde. Au contraire, ici le style est simple, mais la beauté du récit s'écrit grâce à ces mots choisis avec une vraie délicatesse, et une volonté de construire dans l'esprit du lecteur un contexte qui l'emmène au plus profond des âmes et des coeurs des personnages et de l'histoire.
La construction de la structure du thriller est épatante. Elle s'appuie sur des codes classiques-l'enquête en parallèle de la police, la noirceur des thèmes, les rebondissements dans l'histoire des protagonistes, un inspecteur pas toujours efficace...-tout en leur mettant un bon petit coup de dépoussiérant. Le mystère initial s'approfondit petit à petit, les évidences premières sont cassées, les certitudes futures ne le sont plus tout à fait, et surtout, malgré leurs failles apparentes, les personnages, et surtout Eric, parviennent à trouver leur place dans le coeur du lecteur.
C'est d'ailleurs un des parti pris les plus intéressants du roman, celui de créer un duo de protagonistes qui sont proches de la psychopathie, mais pour qui on garde une réelle empathie malgré un vrai penchant pour la noirceur, voire même une appétence pour la mort et le morbide. Malgré ces traits supposés provoquer le rejet du lecteur, leur construction est si profonde, si ancrée dans les réalités de la psychiatrie et la psychologie moderne, qu'on parvient à les appréhender malgré ces aspects, à les apprécier, et à avoir sincèrement peur pour eux...Tour de force de la part de l'autrice. Il faut louer le courage de créer des personnages vrais au lieu de créer des personnages faciles, quitte à perdre des lecteurs au passage.
Les thèmes sont dans leur globalité sont très noirs, plus noirs que la majorité des romans du genre. Parfois, certaines scènes sont clairement difficiles à supporter, et l'avertissement doit vraiment être considéré. Cependant, et malgré ces éléments, l'ensemble est si puissant et prenant, difficile de ne pas avoir envie de le recommander à tout le monde.
Une des plus belles réussites du roman-qui en soi, est au delà de la simple réussite-réside en son traitement de la thématique de la nature humaine, et surtout, questionne si le mal et les mauvaises intentions sont héréditaires ou provoquées par l'entourage et l'environnement. Par le biais des protagonistes, qui sont tous les deux issus de familles et de situations compliquées, abusives, voire même dangereuses, on explore l'influence de l'entourage, de l'école, de la société en général qui parfois refuse de considérer leurs responsabilités dans les déviances. L'examen croisé du portrait presque parfait de Clément qui cache ses failles sous l'illusion de l'enfant idéal, et de celui d'Eric qui fait le minimum d'efforts dans ce sens est passionnant, chargé de force et de constats sur l'humanité en général.
Enfin, difficile de ne pas souligner le fait que Caroline Lyra Cinderash soit une architecte hors paire de la construction narrative. Chaque chapitre, chaque idée est explorée dans l'équilibre, profondément mais sans trop en faire, et le mystère trouvera une réponse en profondeur, qui ne se contente pas de clichés, et va chercher très loin les réponses.
Pour conclure, voici un roman brutal et sublime en même temps, qui saura, si vous savez tolérer la noirceur de l'âme humaine, vous emmener vers des contrées littéraires riches et complexes comme on en voit trop peu.
⭐ Les notes en détail
Les personnages sont très bien construits, mais ce qui le rend si puissants tient sans aucun doute à la psychologie de ceux-ci qui est saisissante de réalisme et d'impact. Même en creusant dans les psyché de personnages profondément fragiles, on parvient à les apprécier dans tous leurs défauts et leurs failles, ce qui est rare.
Tout est construit pour être à la fois fluide et oppressant, étouffant et pourtant très libre, puissant en étant difficile à gérer que dans les scènes d'horreur. Le reste du temps, le roman parvient à nous capter sans jamais laisser la tension retomber.
Le style de l'autrice est épatant de précision, chaque phrase est calibrée, dosée, chargée d'un vrai impact sur le lecteur. La plume utilise des mots simples de façon complexe, et n'a pas peur d'aller au bout des choses.
L'intrigue est extrêmement bien construite, solide, implacable, tant dans sa structure que dans son fond et la psychologie des personnages. Le lecteur est confronté à un fil rouge clair sans jamais être simple.
Grâce à une construction nette et claire, et ce style presque chirurgical de précision, on plonge dans le roman en trois phrases, et on ne s'en décolle plus. Le mystère caché derrière la disparition de Clément est rondement mené, et se renouvelle sans cesse sans jamais être difficile à croire, même dans l'horreur
La construction est sidérante de précision, et parvient à faire avancer l'intrigue sans jamais ni se renier, ni aller trop loin, ni oublier ce qui a été installé précédemment. Impressionnant.
J'ai adoré ma lecture, mais certains passages (les rêves de Clément, Olivia, le dernier quart du roman) m'ont vraiment presque mis la nausée. Ils sont utiles, et ils contribuent à la mise en place de cette ambiance particulière, et ils dépendent de la tolérance du lecteur, mais dans mon cas, j'ai du reprendre mon souffle. Je n'en ai pas moins aimé le roman, mais je vais faire attention en le recommandant (parce qu'il mérite carrément d'être best seller).
Publié le 24 décembre 2023