Attention, lecture royalement atypique ! C'est impossible de mettre Le Monde N'est Pas Prêt dans une case. C'est une aventure comico-romanesque à base de quête de l'âme humaine et de ses pouvoirs sur fond d'hymne à la bêtise humaine, de course-poursuite haletante et de road trip enlevé. Et ce n'est que la partie visible d'un iceberg complètement dingue et sérieusement hilarant. A l'origine du roman, l'histoire déchirante d'un papa qui perd sa fille, et dont le presque-sacrifice lui permet de récupérer l'âme pour en sonder les profondeurs et les pouvoirs. Mais très vite, une farandole de personnages tous plus farfelus les uns que les autres viennent s'ajouter a ce qui aurait dû être de simples retrouvailles entre un frère, Peter, et une soeur, Alice et tourne au vinaigre à grand coup de fratrie mafieuse pas tout à fait idiote (mais pas loin quand même), d'évadés de prison motivés par d'obscures intentions, et d'acteurs de cinema au talent...Incertain. Il y un van, un hydravion, beaucoup de voitures, des gens déguisés, un professeur de ballet, un hélicoptère, et même une presque éolienne meurtrière. Et tellement plus ! Le rythme est très vite effréné, la narration cédant la place à une majorité de dialogues, ce qui fonctionne tout à fait avec le projet général de l'auteur. Les descriptions sont surtout géographiques, pour se représenter la petite ligne mentale du périple qui passe par une bonne partie de l'Europe jusqu'aux plaines de Russie. On regrettera peut-être que ce rythme et cette rapidité des jeux de ping-pong verbaux entre les personnages dissolve un peu l'idée initiale (qui en elle-même est vraiment prenante), mais en définitive, on passe tellement de temps à rire que ce n'est pas gênant. Parce que le rire est vraiment le tissu dans lequel est cousu le roman. On rit beaucoup, souvent, et parfois à gorge déployée. Tout d'abord parce que les personnages sont tous délicatement perchés, avec des obsessions propres et originales, et une volonté de ne jamais se conformer au moule. Ça fait du bien, beaucoup de bien ! Ici, pas de clichés, pas de cases toutes faites, mais plutôt une réjouissante galerie de doux-dingues. Ensuite, le rire se trouve dans la force des dialogues, qui sortent une vanne toutes les trois lignes. Entre les jeux de mots et calembours qui tiennent au génie pur, les insultes entre frères, les situations qui prêtent au fou rire de par leur absurdité (le mouton dans la voiture...) et leur créativité totalement débridée, c'est presque impossible de garder un visage impassible plus que quelques pages. L'auteur se permet aussi une incartade façon coup de boule de démolition dans le quatrième mur (notion de la frontière entre auteur et lecteur) en se permettant des commentaires sur sa propre écriture ici et là, parfois même jusqu'à interrompre ses personnages. C'est inventif, ça casse les codes, et on en redemande. En clair, c'est une lecture qui fait du bien, elle oxygène l'esprit à grand coup de fou-rires et de destruction des cadres pré-établis. Le monde n'est peut-être pas prêt...Mais ça ne lui ferait pas mal de s'y mettre !