Passion Déchue fait partie de ces recueils de poèmes qui ont une force indicible. Est-ce grâce à des thèmes de société puissants ? A un engagement évident ? Ou est-ce dû à la musicalité qui s'échappe de ceux-ci, presque au delà du lyrisme ? Ou bien peut-être que l'élément qui vient troubler le lecteur est ailleurs, quelque part entre les rimes délicates et brusques tout à la fois, et la précision des mots et des images utilisés ? Quoiqu'il en soit, le choix des textes propose une vision réaliste, sinon désenchantée-mais comment en être autrement pour un esprit créatif ?-du monde dans lequel nous vivons, avec un appui sur des situations particulières plutôt que dans des traits généraux du monde. C'est presque une promenade dans les bas-fonds, comme si on essayait de nous ouvrir les yeux sur les situations qu'on ne connaît pas, sans force, sans violence, mais avec une force d'urgence. Ainsi, les poèmes se penchent sur une forme de misère sociale, sur les injustices de classes, sur les tragédies modernes, sur une idée de la religion...Sans jamais s'encombrer de généralités. Au contraire, ce sont des spécificités qui sont ici sources d'inspiration, comme si on zoomait sur les fenêtres du monde. Mais, là où on pourrait craindre la lourdeur, la délicatesse et la légèreté de la plume permettent une observation, voire une réflexion globale, amenée par la musicalité qui ressort des textes en général. Les niveaux de langue sont particulièrement adaptés, parfois en attaquant le registre élevé (Le Destin D'Amour) parfois en flirtant avec le registre commun(La Voix Des Rues I & II), voire même populaire(La Vie D'un Joint, La Fleur Mourrant II), afin d'illustrer l'inspiration derrière le propos. Les rimes sont percutantes, elles dégagent une vraie musicalité rare. Il en ressort une impression de presque mélodie un peu triste, très en colère, mais qui laisse aussi l'espoir passer. Il y a un lien stupéfiant qui se crée entre l'autaire et son lectaire, dans une forme d'adresse et de prise de témoin, comme une recherche d'adhésion. On cherche à nous secouer. A pointer du doigt des situations. Il subsiste quelques fautes, ici et là, mais ce ne sont que des coquilles, qui, finalement, vont assez bien avec l'esprit général du recueil. Ne nous penchons pas sur des détails, gardons les grands combats à l'oeil.