Thriller & Suspense & Mystère & Crime
1ère de couverture de Partout la mort
Extrait:
28 nov. 2022

Partout la mort

Informations
"La mort, la mort, la mort, toujours recommencée", chantait Georges Brassens en parodiant Paul Valéry et son Cimetière marin. Dans la Rome antique, mais aussi en Italie, le nombre dix-sept porte malheur. En effet, il s'écrit en latin XVII, dont l’anagramme VIXI (vixi) signifie « j'ai vécu », c’est-à-dire « je suis mort ». La mort est toujours. La mort est imprescriptible. La mort est partout. Il y a dix-sept syllabes dans un haïku. C'est aussi le nombre de nouvelles de ce recueil. Celles-ci ne parlent pas vraiment de la mort, mais elles la côtoient, la mettent en scène. Ce sont des histoires, presque des contes, des tranches de vie, des tranches de mort, des histoire à mourir debout. En lisant ce livre, vous serez l'enquêteur, celui qui doit trouver par où et qui la Mort va frapper.
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La chronique de Ellexa HeartsBooks
Efficace, glaçant, drôle, terriblement prenant.
Elles sont dix-sept. Dix-sept nouvelles sur le thème le plus obsédant, le plus intriguant, le plus inquiétant, le plus fascinant de l'humanité...La mort. Dès l'avant-propos, on comprend que le choix de Jean-Luc Menet est profondément inscrit dans une vraie logique. C'est un indice presque capital sur la teneur de ce qui va se tramer, et de la qualité de ce bouquet d'histoires qui ne vont pas seulement s'appesantir sur la mort au sens premier, mais aussi sur tout ce qu'elle peut signifier et sur la totalité de ses liens avec la vie. La première nouvelle, "Réveil", fait un choix extrêmement porteur et annonciateur, comme une sorte d'élan qui va couvrir l'envol du lecteur et couvrir tout le recueil. On est tout de suite plongé dans un univers inquiétant, on découvre un personnage complexe, profondément imparfait mais pour qui on peut ressentir de l'empathie. La chute est un petit peu attendue, mais elle fonctionne très bien. Et, à l'autre extrémité de la collection, la très courte et très percutante "La Course" est une ode à la vie, comme pour tenir les nouvelles dans un écrin parfait entre la dernière minute d'une vie, et la toute première. Jean-Luc Menet présente ses nouvelles aux lecteurs comme on propose un jeu élaboré de Cluedo : il nous laisse errer dans l'espace de la nouvelle, glaner des indices, émettre des hypothèses, se laisser séduire puis tromper par les personnages avant d'anticiper la fin, et, parfois, d'être surpris par celle-ci. Mais ce n'est pas tout. Par cette collection hétéroclite, il en profite pour croquer la société, qu'elle soit moderne ou passée, et explorer les troubles et les vices humains liés à la mort. Ainsi, il propose une vision acérée et réaliste de protagonistes qui répondent à leurs désirs, et n'hésitent pas à franchir une ligne rouge invisible mais bien sensible. Souvent, la mort emporte la mise, mais parfois, la vie gagne et Jean-Luc Menet a suffisamment de talent pour faire comprendre sans brutalité ni polémique que parfois, quand la vie l'emporte, ce n'est pas forcément la meilleure des fins possibles. Sur le plan de la structure, la sélection des nouvelles est précise et minutieuse, tant dans la variation de longueurs (parfois quelques pages, parfois plusieurs dizaines), de style, de genre, de narration...On a vraiment un kaléidoscope littéraire qui parvient à s'illustrer partout. Parfois, on est oppressé par un presque roman noir ("Ville Noire"), puis on découvre l'aventure de la survie à tout prix ("Un Jour Interminable") dont la chute prend aux tripes, ensuite on découvre l'univers anxiogène d'un suicide annoncé ("Coaching"), ou celui d'une vie de famille étouffante et d'un couple toxique ("Canicule") avec une fin cathartique tant elle est libératoire et pointe du doigt une injustice estivale que personne ne prend vraiment le temps de venger. Le lecteur comprend très vite que nouvelle après nouvelle, on va être malmené au service de l'histoire, et cela crée entre Jean-Luc et son lectorat un rapport captif. On attend la suite sans savoir ce qui va se passer, comment, pourquoi, et quelle interprétation de la mort il va livrer. Les dix-sept versions sont plus que nécessaires, elles apportent toutes leur petite touche à un tableau composite et épatant. Certaines de ces nouvelles poussent même le curseur de la créativité un peu plus loin qu'on ne va les attendre. Par exemple, la spectaculaire "Le Facteur" qui brille par son horreur sous-jacente sans jamais mettre ne fut-ce qu'un demi-orteil dans le gore, ou "Petite Mort" qui s'aventure presque dans une revisite bouillante de l'aventure d'Eve au jardin d'Eden, ou encore "La Pluie Et Le Beau Temps", presque digne d'un sketch des Vamps mais qui tient un fil narratif extraordinaire sans jamais le perdre, comme une forêt généalogique touffue que Jean-Luc maîtrise avec une facilité...Déconcertante. L'auteur empoigne le thème de la mort et se permet vraiment de l'interpréter et de le pousser dans tous ses retranchements. Grâce a une vision affûtée de la société, il propose vraiment une palette de destins et de vies plus ou moins tragiques, plus ou moins brisées, plus ou moins dangereuses sans jamais les juger. Quand il rentre dans la tête d'un tueur, il ne perd pas de temps à faire savoir qu'il considères les actes immoraux, mais il va au coeur même de leur psyché et exploite leurs failles de façon implacable. C'est fin et précis, et très bien présenté. De façon générale, jamais il ne juge ses personnages, même les plus noirs, même les plus tordus. Il condamne de temps en temps. Une des nouvelles les plus frappantes demeure "Délivrance". C'est une saisie bouleversante du destin de Rose, qui essaie tant bien que mal de mettre une tragique malédiction qui a transformé sa vie en une succession de peines toutes plus grandes, et plus inexorables que les autres, et qui voit arriver le couperet final comme la première vraie fois qu'elle peut connaître la paix. Et même là...La mort rode, et elle laisse son plus amer cadeau. Le portrait de cette femme au destin hors du commun est d'une telle précision qu'on se surprend presque à googler la vieille femme, dès fois que cette histoire incroyable ne soit vraie. C'est dire comme on plonge dans les petits mondes de Jean-Luc Menet. Enfin, comment ne pas adorer le grand coup de massue sur le quatrième mur dans "Tueuse En Série", ou l'on soupçonne notre facétieux auteur de faire le constat de son propre statut de tueur en série...Avec un sérieux score quand à son nombre de victimes ! Ici apparaît au plus fort la presque complicité entre auteur et lectorat. Malgré la gravité du thème, difficile de ne pas vouloir mettre ce puissant recueil dans les mains des lecteurs avides d'histoires bien faites. Tout le monde risque bien de s'y plaire...

⭐ Les notes en détail

Personnages

9/10

Sur la totalité des nouvelles, c'est une valse de personnages qui se succèdent, tous avec leurs obsessions, leurs envies, leurs déviances. Ils sont très bien saisis en très peu de mots, et apparaissent tout à fait réalistes. Ils pourraient être des voisins ou des collègues sans qu'on ne s'en rende compte. Les façon de parler sont particulières et adaptées, et les motivations derrière les décisions qui les mènent à fricoter de plus ou moins près avec la mort sont toutes explorées.

Atmosphère

9/10

Les ambiances ne sont, par définition, jamais les même mais elles sont toutes percutantes, parfois étouffantes, parfois angoissantes, parfois teintées d'humour, chaque nouvelle possède un univers dynamique qui lui est propre, et un jeu s'installe entre le lecteur et l'auteur pour deviner la chute. Certaines chutes se devinent, mais elles restent très bien utilisées.

Style d'écriture

10/10

L'auteur possède une écriture impeccable, imagée, les champs lexicaux sont vastes et adaptés à chaque micro-univers, et parviennent sans aucun soucis à faire passer le lecteur d'un univers à l'autre en un claquement de doigt, ou, ici, en tournant une page. C'est simple à lire sans jamais être facile, vibrant, poignant, émouvant, inquiétant tout à la fois grâce à une plume multicolore et redoutable d'efficacité.

Intrigue

10/10

Chaque nouvelle est parfaitement construite comme un mini-roman, peu importe sa longueur, tout est soigneusement construit, et les chutes sont, pour leur majorité, inattendues et diaboliquement efficaces. L'auteur est un préparateur de cocktails littéraires, et on finit ivre de plaisir.

Immersion

9/10

On n'a aucun problème à passer d'une histoire à l'autre tant la création de l'ambiance est pertinente et puissante. De par leur couleur propre, et leur indépendance totale les unes par rapport aux autres, les nouvelles attrapent et relâchent le lecteur à tour de rôle avec efficacité.

Cohérence

9/10

Tout se tient parfaitement, chaque histoire a sa propre structure tout à fait cohérent et solide. Les chutes sont maîtrisées et viennent souvent couper l'herbe sous le pied du lecteur et agir comme le noeud en ruban sur un paquet particulièrement bien ficelé. Le choix des nouvelles est tout à fait pertinent, et les codes du genre sont respectés. Petit (tout petit) regret sur "Le Têtard", que j'ai trouvé un (tout petit) peu abrupt et manquait un (tout petit) peu de clarté.

Plaisir

10/10

Les nouvelles se lisent vite, bien, et elles sont toutes tenues par la thématique façon entonnoir, certaines strictement liées à la mort au premier degré, d'autres plus souples et plus créatives, mais elles sont toutes comme les pétales d'une même fleur. C'est rapide à lire, plaisant, ça interpelle, ça fait rire (mention spéciale à la chute de Canicule), ça fait peur, on se balade sur un arc-en-ciel d'émotions.

Note finale

4.50
Publié le 27 août 2023

Évaluation de la chronique par l'auteur

✨ Excellent